lundi 15 février 2010

La triste fable du fermier et du cheminot

En descendant de la montagne, entre la neige et le brouillard
Un géant mal réveillé approche de sa petite gare
Sous le tunnel, vers la voie 2,
ses yeux au loin restent accrochés
à ce pantalon velours blanc terni de boue,
un visage vieilli et deux épaisses mains approchent
Un type, un fou, marche à grands-pas
Vers moi
Il me regarde, fixe
et crie de loin
« Ne ga die trein na reiden na Buizingen »
Ne comprends rien, ne bouge pas, le fou repartira
Me dis-je
Mais le sot paysan presse son allure
Me dépasse et grimpe vers le quai
Vers tous les franskiljoen au frais
S’écrie
« Ne zwoaare ongeval op da radio gezeg, ni kans van trein »
Sur la voie 1, le train entré ne repart pas.
Mon cervelet trop frais
En pré-chauffage, sous son bonnet
Tente, en vain, de regrouper les 4 pièces du puzzle sur le quai:
Neige, flamand, train, pantalon blanc

Les navetteurs surgelés se regardent ahuris.
Pas même une annonce des trompettes du soucis.
Mon train, ce matin, n’est jamais arrivé.

L’épouvantail blanc continue sa besogne
Et parvient finalement à nous faire décoller
Pauvres oiseaux, de ce quai de campagne
Navetteurs hébétés, absents, silencieux
Personne n’a d’info, sauf le fermier et sa paysanne de radio

Il s’agite, fait des signes, vers le train hors du temps
Et soudain sous ces cris,
la cage d’acier et de verre brillant s’ouvre aussi
Deux visages ahuris, le regardent dans leur costume rouge et gris
Sans un mot,
Hypnotisés par la danse du terrien.

« Weet nie ? », « Ongeval ? », Bus naar Halle ?
S’échangent, se répètent, se jurent
Perchés sur leurs rails, les deux anges de fer
Descendent progressivement en enfer
Sans nouvelle de leur centrale, ils avaient piètre allure

Pauvres employés du rail,
A deux arrêts de l’épouvantable drame
Apprennent par voies interposées,
L’origine de leur pause forcée
Et De lijn, débarque à son tour, veille au grain
Vite vite reprend les brebis,
Vers le chemin du travail.

Le doute petit à petit s’installe.
Qui de ce paysan et de ce cheminot aurait du savoir ?
Qui aurait du aider l’autre,
L’aiguiller vers la sortie ?
L’absence totale. Le vide, le rien.
L’ignorance fatale.
Ce silence radio,
Finis-je par croire,
Est-il aussi à l’origine du drame?